Avril 2013 Philosophie du SermentIl est d'usage, pour pouvoir exercer certaines fonctions, comme pour certaines professions de "prêter" serment. Il en est ainsi des médecins, avec le serment d'hypocrate, des notaires, des juges, des avocats, des policiers, et dans certaines contrées des chefs d'État. Il est paradoxal que l'on n'attache à de tels événements que l'intérêt que l'on donne aux rites, sans autres conséquence. J'ai rarement observé, dans un jugement, la référence aux attendus qu'un serment est sensé formaliser, ni de poids pénal associé à leurs manques. Contrairement à la doxa en cours, et pour ma propre survie, je me suis donc donné comme règle de n'accorder a priori aucune confiance dans le respect d'un serment, qui que soit l'ait prononcé, pour quelque fonction assermentée que cela soit. Et ce parce que j'ai déjà vu des policiers mentir de la façon la plus effrontée qui soit, des médecins violer leur serment, des avocats tricher, et des juges faire confiance a priori à des policiers sur le simple fait qu'ils sont assermentés. Puis j'ai vu les corporations assermentées se protéger autant qu'il leur était possible contre la mise en lumière du viol de leurs engagements par l'un de leurs membres. Le serment que l'on prête est il autre chose qu'une déclaration de restrictions volontaires de ses libertés, donc de ses droits de faire ou de ne pas faire ? Le serment est-il autre chose qu'une condition préalable de perte de droits, nécessaire pour en acquérir d'autres ? Etre son propre juge de son propre respect de la limite de ses droits, initiaux comme restreints est incompatible avec l'exercice serein de la Justice, tant à l'expérience la nature humaine est faillible en toutes circonstances. Au delà de l'honnèteté et de la sincérité des hommes, l'expérience et les observations cliniques des neurosciences montrent que l'on ne peut se fier à la mémoire d'un seul homme. Toute institution qui viole ce principe de défiance est suspecte. Il est vain de se plaindre après les faits. Il faut les anticiper. Si un serment est nécessaire n'est-ce pas parce que l'acquisition des droits spécifiques qu'il permet exige des règles restrictives de comportement relativement au droit commun ? Le serment ne catractérise que des exigences spécifiques applicables, dont celui qui le prête ne peut se défendre. Tout serment ne fait qu'établir un jeu de responsabilités spécifiques qu'aucun autre n'est tenu de porter. Si l'usage veut qu'il soit "prêté", n'est ce pas parce que rien ne peut être attendu d'un engagement humain ? Aucun serment n'a jamais garanti le respect des exigences qui s'y attachent. S'assurer de ce respect exige sa surveillance, et ce avec toutes les règles que l'humanité a apprise sur le contôle indépendant des choses, selon la probabilité des événements qui leur adviennent. Lorsque l'exercice d'une fonction ou d'un métier porte en lui, par essence des potentialités de conflits d'intérêt, il est nécessaire de s'assurer, au delà du serment, par une surveillance constante adaptée que les exigences de probité soient respectées. Gouverner n'est pas un droit de l'Homme. Si tout citoyen peut, à ses seuls risques et périls, tricher sur ce qui le concerne, et enfreindre les lois, il est sain qu'une colectivité territoriale se défie de tels comportements de ses gouvernants, à quelque niveau soient-ils, du chef de l'État jusqu'aux agents de police. Il est nécessaire qu'elle considère chacun des prétendants à ces fonctions comme un contrevenant a priori probable, même si cela ne devait être qu'exceptionnel. Et étant le lot commun cela ne saurait être considéré comme vexatoire. Il lui est nécessaire de prendre, à l'encontre de toute personne assermentée, indépendamment d'elle, toutes les mesures suffisantes pour s'assurer le respect de ce que le serment exige. Il est nécessaire qu'un serment explicite les droits perdus comme les droits gagnés, et formalise l'acceptation de la responsabilité pénale attachée à son manquement. La confiance ne procède pas du serment. Elle ne procède que de sa surveillance. Nul ne gouverne ce dont la fréquence propre dépasse la sienne : la surveillance doit être adaptée à la célérité des phénomènes en jeu. Dans tout État il est des phénomènes lents, laissant le temps à des examens périodiques, d'autres rapides, nécessitant une suveillance constante. Ainsi, dans les avions à réaction commerciaux, des boîtes noires surveillent tout ce qui se passe dans le cockpit, à la disposition de toute enquête judiciaire. Ceci est une fondation de la sûreté et de la fiabilité du transport aérien. Il serait ainsi nécessaire pour le rétablissement sans faille de la confiance dans les forces de l'ordre, que toute personne armée soit dotée, dans son uniforme de deux "boîtes noires", à disposition de la justice, enregistrant, hors de son contrôle, chaque fait et geste de la journée. Ce serait l'occasion de rétablir le prestige de leurs uniformes, dont ils gagneraient à en abandonner l'aspect pseudo sportif inefficace, par trop semblable aux tenues des banlieues. Il leur faut l'élégance nécessaire pour inspirer le respect dont ils se plaignent - à tort ou à raison - de manquer. Si l'État a le monopole de la violence, il ne peut de façon légitime le déléguer en n'appuyant sa confiance que sur la seule foi d'un serment dont les faits montrent qu'il est régulièrement violé. Alors que des moyens technologiques peu coûteux existent pour le réaliser, toute personne armée par l'État devrait être placée pendant son service sous surveillance judiciaire constante. à suivre, "A propos de Surface et d'Erreur de Dirac". |