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Novembre 2013 A propos de surface, et d'erreur de DiracIl ressort d'études de physique fondamentale un fait qui par ailleurs peut paraître évident, quoique aux conséquences peu explorées : la notion d'information est homologue à la notion de surface. Dans un ouvrage sur l'être et le devenir de ces objets insolites que sont les "trous noirs",Léonard Susskind montre que contrairement à ce qu'affirmait Stephen Hawking l'information ne se perd pas lorsqu'elle est inexorablement absorbée par la force gravitaire dans ces Scylla cosmologiques. ![]() Sans se perdre dans les méandres des raisonnements des modèles physiques mis en jeu, chacun peut accéder à une petite expérience de pensée dont les physiciens sont friands. Supposez vous donc physicien, et comme tout physicien bien nanti, supposez vous pouvoir disposer dans votre laboratoire, d'un trou noir, et du support élémentaire d'une information, donc un photon, dont la couleur caractérise l'énergie, à la mesure de la constante de Planck. Que se passe-t-il si vous laissez votre photon tomber dans votre trou noir ? Léonard Susskind montre qu'en absorbant votre photon, votre trou noir grossit d'une surface élémentaire caractérisée par l'énergie du photon transmutée, soit de l'ordre du carré d'une longueur de Planck. Bien sûr vous pouvez penser que cela n'est guère intéressant, que personne ne dispose d'un trou noir comme cela pour y faire tomber des photons un par un pour en mesurer le diamètre et la surface. Vous auriez tort. Pris dans son ensemble, la limite de l'infiniment grand qu'est l'univers n'est-il pas la forme ultime d'un trou noir, comme à la limite des infiniment petits chacune de ces étranges particules élémentaires qui le composent, (ou ondes, ou résonances, selon le point de vue qui vous conviendra) est en soi un trou noir singulier, infinitésimal ? Toute la question qu'il faudra alors vous poser est "qu'est-ce donc qu'une surface physique" ? Quelle est sa nature ? Est-elle autre chose que l'abstraction d'une réalité intangible ? De quoi sont ses dimensions ? Et à tourner tout cela dans tous les sens vous en viendrez à une autre question clé : qu'est ce que tourner ? et qu'est ce qu'un sens dans cette chose qui ne devrait plus vous sembler évidente qu'est l'espace, et cette autre mystérieuse pour chacun de nous que nous nommons temps, que nous appréhendons sans pouvoir le définir ? ![]() Pour cerner ce qu'est une surface, il nous faut en distinguer des catégorie exclusives entre elles et de toute autre : les surfaces fermées, les surfaces ouvertes, et ces objets mathématiques étranges sinon introuvables que sont les bouteilles de Klein. Les premières donc ont le caractère qui leur est propre de définir une partition de l'espace. Et ceci quelque soit le nombre de dimensions de l'espace dans lequel elles se déploient. Elles différent en cela des deux autres catégories, qui n'opèrent pas de partition, dans lesquelles il faut remarquer la présence de ces autres surfaces ouvertes étranges que sont les rubans de Moebius. A partager l'espace en deux parties, nommées souvent quoique arbitrairement "dehors" ou "dedans", elles mènent de façon inéluctable à caractériser ce qui est soit entièrement dedans, ou entièrement dehors, ou qui traversant la surface en est à la fois dedans et dehors. ![]() Parmi toutes les surfaces fermées possibles, il existe une catégorie particulière à laquelle s'est notoirement intéressé Paul Dirac : celles dont en apparence le "dedans" est "vide", et qui ne sont pas non plus traversées par quoique ce soit. Tout ce qui est en est en apparence en dehors. Il se pourrait bien que le terme "vide" en question est pris au sens le plus restreint du terme, convienne bien à l'acception qu'en fait le Bouddhisme ; cela pourrait apparaître par la suite. Pour décrire les réalités observées des interactions à distance ( donc dans le "vide" ) entre des particules, la mécanique quantique introduit d'autres particules élémentaires. Les premières, que l'on observe sont donc réelles, pour autant que l'on s'accorde sur le sens commun de ce terme. Elles ne peuvent par définition se trouver à l'intérieur de cette catégorie de surfaces fermées "vides" que nous avons caractérisées... A l'inverse, les secondes n'occupent en apparence, et de façon indirecte à l'expérience, que le "vide". ![]() Ceci remettant trop en cause le sens commun des humains, et risquant probablement d'être inaccessible à leur compréhension, Paul Dirac dit que ces particules sont virtuelles, de sorte que ce que l'on appelle ordinairement "vide" le reste et ce de toute chose réelle. Ne lui déplaise, virtuel est un antonyme de réel. Si l'on avait dit à la Commission Européenne qu'elle allait financer lourdement la recherche d'éléments dépourvus de réalité, il est à craindre que l'on en serait encore à spéculer sur l'existence ou non du Boson de Higgs et des autres. N'en déplaise aux physiciens conservateurs quelque peu fétichistes des dires de leurs illustres prédécesseurs, Paul Dirac s'est à l'évidence tout simplement trompé... de mot ! 1 S'il faut admettre la réalité de leur existence, les particules correspondantes au ondes des champs de force de la physique ne sont pas virtuelles, mais potentielles. l'expérience a montré que s'il est difficile et coûteux de les faire apparaître sous forme de particules, elles existent bel et bien, et sont donc des éléments réels "en puissance". Ceci correspond opportunément à cette vision Bouddhique, que le "vide" est le lieu même de toute potentialité. L'Histoire raconte que Paul Dirac était une personnalité sûre d'elle même, méprisante à ses heures. Une plaisanterie de physiciens raconte que lorsque Dirac est mort et qu'il a à cette occasion rencontré son créateur, il lui a demandé de lui montrer l'ensemble des équations qui régissent la physique de la Nature. "Dieu n'existe pas et Dirac est son prophète" aurait dit Heisenberg. Se serait il encore trompé ?? Peut être pas ! Peut être a-t-il raison de dénier toute existence au fond que cache la forme de toute surface ? Toute nos expériences ne reviennent-elles pas à faire apparaître la manifestation de tout phénomène sur les seules surfaces accessibles à nos sens comme à tous nos instruments ? Il est vain de prétendre séparer le fond de la forme apparente des choses, même si celle-ci peut varier à l'infini. L'équation aux dimensions de l'information est celle d'une surface : I = S = L² 1 Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde [Albert Camus] |