================================================== Fessenheim et Bugey



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Juillet 2011

Sur l'architecture de Fessenheim et Bugey



Parmi les accidents nucléaires majeurs que nous étudiions, un des plus probables parmi ces improbables survenait comme cela...

Quel accident ? Un accident d'origine interne, comme l'étaient ceux de Three Miles Island et de Tchernobyl. Pas comme celui de Fukushima, d'origine externe, dont il faudra parler à une autre occasion...

C'est donc d'un accident majeur "de perte de réfrigérant primaire" qu'est ici contée l'histoire, telle que l'envisageaient les études de sûreté nucléaire.

Le circuit primaire comporte de gros équipements forgés, la cuve du réacteur, trois ou quatre grands générateurs de vapeur et autant de grosses pompes primaires, et enfin un "pressuriseur". Entre ces équipements, de grosses lignes de tuyauteries dites "branche chaude", "branche en U" et "branche froide", qui courent de la cuve en générateurs de vapeur, de ceux-ci aux pompes primaires, pour revenir ensuite à la cuve du réacteur.

L'accident de référence, qui sert au dimensionnement des systèmes de sauvegarde, est la rupture circulaire d'une de ces énormes tuyauteries, pourtant surdimensionnées.
Plus probable, et donc à craindre, est la rupture de la "Queue de Cochon", cette ligne d'expansion qui relie la première branche chaude au pressuriseur.

Le pressuriseur, c'est un grand vase d'expansion, où un "ciel" de vapeur d'eau surchauffée assure une stabilité sans à coups de la pression interne au circuit primaire. Quelque cent cinquante bars, équivalents à mille cinq cent mètres de profondeur océanique. Sa température est maintenue quelque degrés au dessus de la température moyenne du circuit primaire. Quelque trois cent cinquante degrés.

Hors les grosses tuyauteries dont la géométrie est quasi immuable, la "queue de cochon", est la première ligne de tuyauterie dont se dessine le tracé. Elle doit son nom à la forme souple que nécessitent les sollicitations thermiques à laquelle elle est soumise à chaque transitoire de réglage de pression et de niveau dans le pressuriseur. Elle fait l'objet pour cette raison d'une attention toute particulière.

Donc, si cet accident devait arriver, ce pourait bien être là. Issu de la rupture par fatigue au bout de dizaines d'années de fonctionnement d'une soudure de la ligne d'expansion entre le pressuriseur et la première branche chaude. Alors, poussée par la pression, la tuyauterie libérée fouette tout ce qui se trouve sur son passage. En fait pas grand chose d'autre à cet endroit que des gros murs de béton.

Alors l'eau du circuit primaire fuse par la brêche et se vaporise instantanément dans l'enceinte. les mesures de niveau dans le pressuriseur accrochent les seuils d'arrêt d'urgence et d'injection de sécurité, les disjoncteurs d'alimentation des commandes des barres de contrôle s'ouvrent, et les grappes chutent dans le cœur, arrêtant les réactions de fission en chaîne.

Les accumulateurs d'injection de sécurité se déchargent dans le circuit primaire pour maintenir le refroidissement du cœur, le temps que démarrent les pompes d'injection de sécurité.

Elles puisent leur eau dans un grand réservoir d'eau borée, qui sert ordinairement de réserve pour remplir la piscine de manutention du combustible pendant les arrêts pour rechargement.

Injectée à grand débit dans la cuve, en quantité dimensionnée pour maintenir l'intégrité des assemblages combustibles, cette eau repart aussitôt par la brêche et vient s'accumuler en bas de l'enceinte de confinement en béton.

Celle-ci voit sa pression interne monter, de quelque quatre atmosphères, sous l'effet du dégagement de la vapeur issue du circuit primaire, accrochant les seuils de mesure de déclenchement du système d'aspersion enceinte. Les pompes de ce circuit prennent leur eau dans le même réservoir et viennent alimenter des rampes de sprinklers accrochées sous le dome de l'enceinte.

Alors la pression dans l'enceinte redescend.

Vient le moment où le réservoir est près d'être vide. Alors, automatiquement, les mesures de niveau déclenchent le "passage en recirculation".

Les circuits d'injection de sécurité et d'aspersion enceinte se reconfigurent automatiquement pour aspirer au travers de filtres l'eau qui s'est accumulée en bas de l'enceinte.

Refroidie au travers de grands échangeurs de chaleur, cette eau "primaire" est réinjectée dans le cœur, accompagnant sa mise à l'arrêt à froid.

Tel est le scénario dû à nos clients et aux Autorités de Sûreté auxquels ils sont soumis. Les ingénieurs de sûreté, et les personnels de conduite le connaissent, pour être régulièrement entraînés sur simulateur à son déroulement et aux gestes à effectuer pour que l'accident n'ait pas de conséquence pour l'environnement. Ils testent constamment le bon état de marche des systèmes de sauvegarde, de sorte qu'ils soient capable d'accomplir leur rôle, et ce malgré une défaillance quelconque, quelque part dans l'enchaînement de leur mise en œuvre.

Pour le contrat, cette histoire s'arrêtait là. Au delà elle sortait des prérogatives du concepteur de chaudières nucléaires.

Pour les textes de l'époque, la suite de l'événement ne relevait plus de la sûreté, mais de questions d'exploitation, le réacteur étant désormais maîtrisé.

Toutefois, à titre de précaution, Cette entreprise avait décidé, pour son propre savoir-faire, d'étudier la poursuite du scénario. De cette étude, ce qui suit raconte l'essentiel, qui n'a rien de confidentiel.

Le réacteur étant refroidi en boucle par l'injection de sécurité, le circuit primaire fuyant toujours au même débit que les pompes qui le réalimentaient, que faire ?

La solution proposée fut assez simple : il s'agissait de réalimenter en eau déminéralisée puis borée le grand réservoir d'eau des piscines du bâtiment réacteur, cité plus haut. Cela peut prendre quelque temps, sans conséquences pour l'environnement.

Ceci effectué, la procédure proposée consistait à repasser le circuit d'injection de sécurité dans son mode initial, jusqu'à ce que le réservoir soit à nouveau vide, puis de basculer à nouveau en mode recirculation. Et de réitérer cette procédure, dont l'effet est de remplir progressivement l'enceinte étanche de confinement qu'est le bâtiment réacteur.

Pourquoi ? pour que le niveau d'eau vienne dépasser des quelques quatre mètres la hauteur du haut du cœur dans la cuve, et assure ainsi la protection radiologique nécessaire au personnel qui aura la charge d'ouvrir la cuve et de décharger les éléments combustibles.

Cela aura pris du temps pour que cela soit possible. Et il aura fallu pour cela décontaminer cette eau au moyen des systèmes ordinairement prévus à cet effet, pour le contrôle volumétrique et chimique du fluide primaire.

La suite consiste donc à pénétrer dans l'enceinte au niveau du plancher de service, au dessus des piscines, d'introduire la machine à déserrer les gougeons du couvercle de cuve, et de le démonter selon la procédure normale.

Il aura fallu pour cela remettre en état les moyens de manutention que sont le pont polaire et la machine de déchargement du combustible dont les composants électriques auront pu être endommagés par la vapeur surchauffée et l'aspersion d'eau acide.

la procédure normale prévoit que l'on monte l'eau dans la piscine au fur et à mesure que l'on soulève le couvercle de cuve, et ce jusqu'à son niveau nominal. Il faut donc faire de même, ce qui nécessite cette fois un beaucoup plus grand volume d'eau. C'est tout le bâtiment qui doit être noyé jusqu'à cette hauteur.

Ceci effectué, les assemblages du cœur devraient pouvoir être évacués normalement dans le bâtiment dit "combustible".

Y a-t-il une autre solution ?
A l'époque ce fût débattu.
Faute d'alternative crédible, qui aurait impliqué un improbable moyen de colmater la brêche, ce fût admis.
Évidemment cela n'était pas dû,
ni à nos clients, ni à leurs autorités de sûreté.
Alors ce fût tût.

S'il n'y avait pas d'autre solution, il restait, pour certaines centrales, un problème, qui la rendait irréalisable : il fallait pouvoir rentrer dans le bâtiment réacteur alors que celui-ci est noyé jusqu'au plancher de service, et ce par une porte capable de faire passer du personnel et des grands matériels.

Heureusement l'architecture des centrales des grands paliers nucléaires français, CP1, CP2, P4, P'4, N4, EPR, le permettrait.

Malheureusement pour les centrales de Fessenheim et du Bugey, l'architecture des bâtiments réacteurs ne le permettait pas.

L'accès des grands matériels aux bâtiments réacteurs s'y effectuait au niveau du plancher inférieur qui, en cas d'accident de rupture de tuyauterie primaire, serait noyé...

Cependant, bon an, mal an, chaque jour de fonctionnement des réacteurs de ces centrales rapporte un peu plus de huit cent mille €uros, au cours légal de vente de l'énergie défini par la loi Nome...

à suivre, "Posture nucléaire".


Démocritique

 

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