================================================== Faits comme des Rats



Ontologie : Démocritique

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Mars 2025

Faits comme des rats

En 1980 Alain Resnais illustrait dans "Mon oncle d'Amérique" un essai de transcription à notre humanité des résultats de travaux du médecin et chercheur en biologie Henri Laborit.

Ses travaux portaient sur le comportement de rats dans des situations de stress.

Il utilisait des cages en deux parties ; une cloison les sépare, dotée d'une petite porte télécommandée à distance ; une sonnette est actionnée un court instant avant qu'une petite décharge électrique soit envoyée dans le plancher conducteur de l'une ou l'autre des parties.

Stress du rat solitaire

La première expérience commence avec un rat d'une belle fourrure blanche, à l'évidence bien nourri dans des conditions d'existence pour lui favorables.

La vie est ainsi, qui nous soumet à des situations de stress auxquelles nous faisons face avec plus ou moins de bonheur : ici ce rat est placé dans une partie de la cage, où adviennent trois événements successifs : en premier le bruit de la sonnette annonce le second, qui est l'ouverture momentanée de la petite porte, et celui ci précéde l'envoi d'une décharge électrique conséquente - mais non létale - dans le plancher de la partie de la cage ou est placé le rat.

D'abord surpris, le rat apprend vite, et s'adapte à la situation ; il la vit comme une procédure, somme toute acceptable, puisque sa santé n'en est guère affectée.

Les choses changent lorsque, est-ce suite à un oubli fort regrettable ? la petite porte ne s'ouvre pas, et de temps à autre, sans régularité, la sonnette annonce l'envoi de la décharge électrique dans le plancher. Elle est très désagréable mais pas mortelle, et pour le reste le rat reste nourri comme il faut. Mais hélas il faut constater que le rat ne s'y adapte pas. Pris d'angoisse, il entre en dépression, se blottit dans un coin, et finit rapidement par mourir.

Henri Laborit n'est pas à court de rats. Il recommence donc l'expérience, mais cette fois avec deux individus.

À nouveau d'abord surpris, les rats apprennent vite, coopèrent entre eux et s'adaptent à la situation, qu'il vivent encore comme une procédure acceptable, et leur santé n'en est guère affectée.

bataille de rats

Mais lorsqu'à nouveau la petite porte reste fermée, les choses changent. Cette fois les rats vont toujours bien ! Seulement ils ne coopèrent plus, ils se comportent comme si ils se rendaient mutuellement responsables du comportement inattendu de la porte.
Lorsqu'ils reçoivent la décharge, ils se mettent en colère l'un contre l'autre. Mais la décharge n'étant pas létale et ils y survivent ; à l'expérience d'Henri Laborit ils se haïssent mais ne dépriment pas, vont plutôt bien, et l'expérience n'est pas mortelle.

Dans notre réalité humaine, les choses ne sont guère différentes, à ceci près qu'il n'y a pas de démiurge Henri Laborit pour inventer le dispositif expérimental.

Si Alain Resnais avait commencé à le transposer à des exemples particuliers de situations humaines observées, pour des sociétés entières comme les nôtres, les choses se passent avec une tout autre ampleur.

Tout se passe comme si l'expérience avait été enrichie : les rats auraient disposé d'un stock de ressources alimentaires limitées mais assez abondantes, ce sont leurs déchets cumulés qui auraient à la fois pollué leurs ressources, provoqué la panne de la porte, et ensuite engendré des courts-circuits électriques dans le plancher de la cage.

Nul doute qu'Henri Laborit aurait été intéressé de voir ce qui se serait passé dans cette cage.
Mais est-ce bien utile, puisque nous le vivons aujourd'hui en vraie grandeur ?

Alors que nous avons exploité les ressources disponibles de la Terre bien au delà du nécessaire, nous avons fermé l'exutoire de notre entropie par nos excédents de gaz à effet de serre ; nous avons rompu l'équilibre fragile entre ce que le soleil nous apportait d'énergie et ce que la Terre était capable d'évacuer par rayonnement d'énergie dégradée.

Comme dans le dispositif d'Henri Laborit, d'aucuns avaient sonné l'alarme.
De multiples sonnettes agitées par nombre d'observations scientifiques nous ont prévenus à temps des conséquences de nos méfaits en cours.

Faute de les avoir entendues nous rendons la vie sur Terre de plus en plus difficile.
la Nature nous envoie de plus en plus souvent ces sortes de décharges électriques que sont des catastrophes qui ne sont plus vraiment naturelles. Est-ce par misogynie que nous leur avons souvent donné de jolis prénoms féminins ? Xinthia, Monica, Célia...
Elles ne sont heureusement létales que pour une partie d'entre nous, choisie au hasard, sans équité.
Si nous nous sommes donnés les moyens de les voir venir, nous y assistons en toute impuissance.

combat à coups de gourdins

Sans apparemment en avoir eu l'intention, Goya a laissé libre l'interprétation du sol marécageux du combat. Ne sont-ce pas des sables mouvants dans lesquels les combattants s'enfoncent ? Ils ne semblent pas y prêter la moindre attention.

Que faisons nous aujourd'hui ? À l'instar des rats d'Henri Laborit, nous nous tenons individuellement responsables de nos malheurs collectifs ; nos nations se menacent mutuellement, et se battent les unes contre les autres. Au sein même des nations se développent la xénophobie, le rejet des migrations dont nous sommes en réalité de lointaines causes, et les pires des guerres civiles.

Comme pour les rats d'Henri Laborit, pris par nos combats, nous ne pensons pas à autre chose, et notre métabolisme de guerriers se porte bien.
Mieux, l'angoisse étant néfaste pour nos luttes, de puissants pouvoirs empêchent de montrer toutes sortes de phénomènes catastrophiques qui adviennent. À l'expérience les combattants sur le front souffrent de peur, de différents traumatismes, mais peu de dépression.

Indifférente à nos conflits et à nos problèmes économiques qui rendent la chose inéluctable, la Terre s’apprête lentement mais sûrement selon le cas, soit à nous engloutir soit à nous cuire.

Est-il désormais trop tard ?
Sommes nous "faits comme des rats !?"

à suivre, "Migrants"


Démocritique

image/svg+xml Conception : Henry Boccon-Gibod Page c ≤ 1 suit P Lettre ouverte aux décideurs des politiques énergétiques emploie le terme P Equilibre Entropie précède IF Migrants à voir aussi S Rembourser la Terre Faits comme des Rats